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Sarah au collégial
par Guylaine Hudon le 2022-07-20

À l'encre de ma plume


Bonjour chers lecteurs et lectrices! J’ai le plaisir de vous partager ce mois-ci un autre texte que je suis fière d’avoir composé dans le cadre du cours Création littéraire. Cette création comprend un voyage dans le passé du personnage principal, ainsi que des moments présents. J’ai utilisé plusieurs images textuelles qui accompagnent la lecture dans un mariage de mots simpliste et coloré. Le texte rédigé avait comme exigence de comporter des vers poétiques. Sans plus, pour ne rien dévoiler, voici « L’écho des oies ».

On dit que quand le vent change brusquement de direction, ça ne peut annoncer qu’une tempête. Je n’y avais pas prêté attention. Moi qui avais pourtant toutes les connaissances pour le remarquer…

Deux ans auparavant

Ce soir d’octobre, la nuit était tombée comme un voile sur le village. Ma mère me conduisait dans son auto orange, comme cendrillon dans son carrosse magique au retour du bal, vers ma toute première soirée alcoolisée. Mon ventre était noué autant que mes lacets de chaussures. À la fin de l’année dernière, je t’ai vu pour la première fois et je ne t’ai pas porté plus d’attention, mes pensées déjà bien occupées par un autre garcon, comme d’habitude. Malheureusement, j’étais seule dans cette relation imaginaire; je croyais l’aimer sans savoir ce que c’était l’amour. Mais quand tu m’as ouvert la porte, tes yeux marron n’avaient jamais autant brillé derrière tes lunettes carrées. Tu me semblais si différent et en même temps si semblable. Durant toute la veillée, on a parlé, assis l’un à côté de l’autre, avec l’impression de n’être jamais assez près. J’aurais donné tout ce que j’ai pour que tu me voles un baiser.

Quelques jours plus tard, encore perdue sur mon nuage de bonheur, je n’ai pas vu arriver, l’autre. Tel un chevalier dans son armure, il est venu m’avouer qu’il m’aimait et que son vœu le plus cher serait que je devienne sa princesse. J’avais davantage l’impression d’être la méchante sorcière à cet instant. Mon cœur était déjà à un autre… J’ai pris mes gants blancs pour lui annoncer que je ne partageais pas ses sentiments que j’étais avec toi, mais j’ai eu l’impression de lui avoir enfoncé un poignard en direction de son cœur. Le mien s’est gelé et s’est cassé en tombant à côté du sien.

J’ai décidé de tout arrêter. Je venais de briser le cœur d’un ami. Mes pensées se bousculaient comme une tornade. Quoi faire? Étais-je vraiment prête pour l’amour? Moi qui avais passé tellement de temps à le chercher. Et maintenant qu’il est au bas de ma porte, j’hésite à la garder ouverte. J’ai l’impression d’être seule au milieu de l’océan sans rien pour me ramener au rivage.

On se voyait, on se regardait, et on s’est dit qu’on voulait voyager. Laisser la voiture avaler les kilomètres, s’enfuir sans but. Profiter des rayons du soleil avant qu’il nous quitte vers autre part. Malgré des hauts et des bas, nous avons survécu plus fort que jamais, main dans la main vers notre avenir.


Un an auparavant

J’ai eu de la difficulté à m’adapter, tu étais un bloc de glace face à mes avances. Pourtant, la première fois, tu avais succombé à mes charmes si facilement. Après un été de réflexion, j’ai su que je devais essayer de te récupérer par tous les moyens, car je t’aimais de cette façon ou l’air me manquait. Que je balbutiais mes mots en ta compagnie… Mais ton cœur restait fermé comme un coffre-fort et je n’avais pas la clé pour l’ouvrir.


Mon amour pour toi grandissait de jour en jour, mais j’étais seule à le savoir. Prête à renoncer, même! Croyant que ton avenir était peut-être autre part qu’à mes côtés. Tu m’as souri un jour comme un autre et j’en ai fait de même. Je t’ai dit sans détour :

Permets-moi de voler à tes côtés

Rien qu’une fois de plus

Abandonne, cède

Rien qu’une autre fois

Permets-moi de t’aimer

Accepte l’évidence

Et vole à mes côtés


Après tant de mois séparés, avec des inquiétudes persistantes, je t’ai retrouvé. Au creux de mes bras, je pouvais enfin sentir la chaleur de ton corps contre mes paumes. T’embrasser en silence comme s’il n’y avait aucun lendemain. Vivre chaque moment était mon seul vœu. Un destin scellé par la rencontre de deux étoiles, toi et moi.

La mer était houleuse depuis une semaine, tout comme mon humeur. Notre symbiose semblait désaccordée. J’étais un mime bloqué dans sa boîte sans jamais un seul regard. Interdiction de ci, interdiction de ça. Un enfant, quoi! Je n’avais pas les bons mots pour t’avouer que j’avais besoin de plus. Toujours occupé autre part, sans moi. M’aimes-tu encore?

La tempête dissipée, nos premières sorties indignes des dîners cinq étoiles des films que ma mère et moi écoutions, mais plutôt à notre image. Dans mon garage en plein hiver, le stress au ventre, mes yeux étincelaient de bonheur. J’ai vu tes bottes faire deux pas vers moi. J’en ai fait de même. Nos bottines se touchaient. Ma tête toujours au sol. J’ai remonté mon visage, ma lèvre inférieure coincée entre mes dents. Ton regard a suivi cette même direction. L’espace-temps mis sur pause, il y avait toi et moi. Des lèvres s’unissant maladroitement, mais surtout deux cœurs battant la chamade.

Le temps a défilé comme les fleurs qui fanent. L’habitude et la routine se sont installées. Pour tous les couples, l’épreuve    ultime est de faire durer la relation. Après la passion des pre-miers mois, il ne reste que deux êtres qui s’aiment pour la bonne raison. Un peu comme le mythe de l’Androgyne : sa moitié, son âme sœur est quelque part et quand tu finis par la trouver tu essaies de la garder à jamais. Mais la vie n’est jamais toute blanche égale à une rose, n’y noire tel le ciel dans son habit de nuit. Elle est chienne, dure, mais passionnante.

Route 132 Est. La musique plein les oreilles. Ma main posée sur ta cuisse, comme à chaque fois que tu prends le volant. Mes lunettes de soleil posées sur le bout du nez, le regard en dehors. Le paysage défile avec lenteur. Le temps qui passe normalement si vite a ralenti sa course. L’impression que la journée serait infinie. Au loin, une table solitaire qui ne demande qu’un partenaire. Galamment, tu as posé une nappe à carreaux rouges sur cette dernière. Un pauvre festin installé. Et des discussions animées comme nous les aimons tant. Malgré notre bon vouloir, nous avons dû reprendre la route. Le ciel commençait à être tacheté de gris. Le vent soufflait… on dit que quand le vent change brusquement de direction, ça ne peut annoncer qu’une tempête. Je n’y avais pas prêté attention.

La route, le soleil couchant et le vent. Moi qui te dis bêtement « regarde les belles oies ». Un instant. Un instant tu as quitté la route des yeux. C’est bête comment le temps joue contre nous. Comment tout peut basculer en quelques secondes. En face, un chauffard sur notre voie, un coup de volant dans le mauvais sens. Le garde-corps. La vitre. La voiture tourbillonne comme une toupie. L’eau à mes pieds. Et le vent, portant l’écho des oies.


Regarde les oies près du Rocher Panet. Photo :  Sarah Paquet.


J’espère sincèrement que vous avez apprécié ce texte, je suis particulièrement fière du résultat. Je l’ai commencé, un jour de chaud soleil. Stylo en main et j’ai laissé mon cœur écrire sur cette page blanche…


Sarah Paquet, étudiante en première année

au Cégep Lévis Lauzon




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