Menu principal

Le mépris de nos héros
par Guylaine Hudon le 2021-12-01

Me faire dire par un professeur émérite de l’Université Laval et ancien député à l’Assemblée nationale qu’ici à L’Islet, on méprise les héros qui se sont battus pour notre liberté, ça, je ne le prends pas. Ce commentaire fait suite à la publication de l’historien Gaston Deschênes concernant la stèle abandonnée dans un amas de débris le long du centre multidisciplinaire près du quai. Comme j’étais outré de voir trop souvent des gens ouvrir leur braguette et arroser cette stèle, je l’ai temporairement entreposée en lieux sûrs en attendant de la mettre en valeur dans un endroit un peu plus digne. Comme nous avons déjà ici un parc du souvenir, il serait presque temps qu’on l’utilise à d’autres fins que celles d’y promener son chien. Ce mépris n’est pas un cas isolé…


Stèle abandonnée dans amas de débris. Photo : Gaston Deschênes (historien).


Je me souviens d’un certain curé beaucoup plus intéressé aux jeunes éphèbes qu’aux dames patronnesses, qui nous interdisait sous peine de péchés mortels, de parler aux vétérans de la deuxième guerre mondiale qui ne croyaient plus aux limbes ni au Bonhomme Sept Heures. « Si vous en croisez un sur le trottoir, changez de côté de la rue. » L’un d’eux habitait non loin de la route du quai et fréquentait plus souvent l’hôtel Vachon que la sacristie. Aux grands désespoirs de mes parents, je suis allé frapper à sa porte alors que j’avais 17 ans. Je n’ai pas été agressé ni la cible de propos déplacés. Au contraire, comme ancien marin il m’a parlé de la beauté de la mer et du torpillage de son navire le Prescodoc par un U-boat allemand.

Après avoir miraculeusement survécu accroché à un morceau d’épave pendant 7 jours, il fut découvert par un capitaine de L’Islet dans un refuge aux Antilles. Ce héros de la 2guerre mondiale était systématiquement ignoré et méprisé, ici à     L’Islet. Il est décédé et repose complètement abandonné comme un chien au cimetière local. À 17 ans, c’était la première fois que je voyais un homme pleurer… Que sait-on aussi de tous ces héros qui ont dû survivre à l’incendie de tout L’Islet en 1759. Comme les envahisseurs avaient brûlé toutes les maisons, pillé toutes les récoltes et tué tous les animaux, comment a-t-on fait pour survivre à l’hiver 1759 sans aucune ressource? Ce sont les femmes qui devaient faire des miracles d’ingéniosité pour nourrir les enfants et les vieillards en plus d’être obligées de faire baptiser tous les ans. Qui à L’Islet peut dire le jour et même l’heure où la maison de ses ancêtres a été incendiée par les Anglais? Pourtant dans certains pays, on voue un culte et on honore ceux qui se sont battus pour notre liberté comme les résistants en France. Ici, le devoir de mémoire, ça n’existe pas!

Comme la culture n’est pas électoralement rentable, c’est aux citoyens à se prendre en main. Sur près de 4 000 personnes dans notre localité, il devrait bien s’en trouver quatre ou cinq intéressées à mettre en valeur la richesse de notre passé et ceux qui l’ont bâti. Sur 17 régions administratives au Québec, la nôtre est profondément enlisée dans la cave en terme d’investissement culturel per capita. Comme si ce n’était pas assez les MRC de L’Islet et de Montmagny sont les dernières au Québec en terme de littéracie.

La culture, c’est comme de la confiture, si on en veut, on s’en fait. Comme premier récipiendaire du prix de la culture de Saint-Jean-Port-Joli et après 50 ans de bataille contre les      béotiens, j’ai encore assez d’énergie à 78 ans pour appuyer ceux et celles qui croient en la richesse de notre passé.

André Thibault




Espace publicitaire