Des moulins et des gens d'ici
par Guylaine Hudon le 2020-06-25
Le moulin seigneurial de Bonsecours ou moulin Calixte Thibault
(1763-1922) : l’histoire complète
Cinquième partie – La fin du moulin (1922-aujourd’hui)
Le mois passé, on a présenté comment l’ancien moulin seigneurial de Casgrain est devenu propriété de Calixte Thibault et la vie du moulin à cette époque. Ce mois-ci, pour la dernière partie, on s’intéresse à l’incendie du moulin et ce qui est advenu du terrain par la suite.
Incendie du moulin
Le dimanche 22 janvier 1922, le moulin Calixte Thibault, ancien moulin seigneurial alors vieux de plus de 150 ans, est détruit par un incendie. Le moulin à farine était à ce moment exploité par Calixte Thibault depuis près de 50 ans. Ce jour-là, une violente tempête faisait rage. Le journal L’Action catholique écrit :
« M. Calixte Thibault, meunier, a eu la douleur de voir brûler son moulin à farine, où était en même temps sa résidence, pendant la tempête de vent d’ouest qui a fait rage dimanche le 22; outre son ménage, ont été détruits aussi une somme de 225 $ et 200 minots de grains. Son neveu le jeune fils de M. Théophile Thibault a eu une jambe fracturée par une pierre pendant le sauvetage au cours de cet incendie ».
Le journal Le Peuple écrit :
« Un vent d’une violence extraordinaire a soufflé dans la journée de dimanche sur notre région et y a causé des dommages assez considérables en certains endroits. On estime la vitesse du vent entre 80 et 90 milles à l’heure. […]
À L’Islet-Station la tempête a jeté par terre la cheminée de la Fonderie de L’Islet. Une partie de la couverture de cette usine a été enlevée et une partie du mur s’est écrasée. Un peu plus haut, près de Saint-Eugène, le feu a cette fois détruit le moulin de M. Calixte Thibault. La violence du vent a été la cause d’une perte complète ».
Suite à cet incendie, le moulin est une perte totale et n’est pas reconstruit. Le site est laissé à l’abandon par Calixte Thibault, alors âgé de 71 ans. Celui-ci conserve cependant le terrain qu’occupait le moulin.
Suite des propriétaires du terrain
Calixte Thibault conserve le terrain de l’ancien moulin jusqu’au 25 octobre 1927, date où il le vend à Eugène Thibault pour 1 000 $. En 1952, la municipalité de L’Islet-Station obtient une servitude sur ce terrain, peut-être pour continuer à exploiter la prise d’eau de l’écluse du moulin. Le 30 avril 1963, Eugène Thibault revend le terrain à Calixte Thibault fils (1879-1967), alors âgé de 84 ans, ancien propriétaire d’un moulin à scie de Saint-Cyrille et enfant aîné du second mariage de son père. Il est aussi l’aîné de la famille, car les trois enfants du premier mariage de Calixte Thibault, père, sont tous décédés en bas âge.
Calixte Thibault, fils, décède quelques années plus tard, le 26 novembre 1967. Sa succession est expropriée du terrain du moulin le 9 avril 1968 par le ministère de la Voirie pour la construction de l’autoroute 20. Le terrain est tout de même légué par testament quelques mois plus tard à la veuve de Calixte Thibault, Adélosa Caron (1902-1972). Elle décède à son tour le 29 janvier 1972. Finalement, le 12 novembre 1974, le ministère de la Voirie rachète le terrain de la succession d’Adélosa Caron pour une somme de 1 965 $.
Aujourd’hui
Depuis cette dernière transaction en 1974, plus rien ne s’est passé sur ce terrain, qui a pourtant été un point central de la seigneurie Bonsecours et de la vie agricole L’Islétaine pendant plus de 150 ans. Les ruines du moulin sont désormais encerclées par la bretelle de sortie de l’autoroute 20 Est et la route 285, qui a ironiquement été tracée à l’origine pour accéder à ce moulin. Son fâcheux emplacement, propriété de l’État, empêche bien des efforts de conservation et de mise en valeur. Le terrain est laissé en friche et les vestiges du moulin continuent de se détériorer année après année. Des actions pour préserver ce site du patrimoine et mettre en valeur son histoire pourraient-elles être prises?
Tristan Morin
Le moulin Calixte Thibault après l’incendie du 22 janvier 1922. Photo : Tristan Morin.