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Des moulins et des gens d'ici
par Guylaine Hudon le 2020-02-21

Le moulin Thaddée Jean

Le moulin de La Chute à Jean


Le moulin à farine et la manufacture à roues

Afin d’y ériger ses installations, Édouard Charles Ennis, constructeur de moulins, achète un lopin de terre de Joseph Bernier en 1854 et un autre de François Thériault en 1856. Son moulin à farine étant bâti, il acquiert de Jean-Baptiste Mercier une portion de terrain pour construire une route afin de rendre plus accessible aux gens d’ici son moulin à farine à deux moulanges, mû à l’eau. Il développe et diversifie ensuite son entreprise en construisant et en mettant en opération une manufacture à roues telle que brevetée, sur les mêmes terrains, avec le même pouvoir d’eau.

Ces constructions sont situées au pied de la chute, d’une quarantaine de pieds, appelée aujourd’hui La Chute à Jean, sur la rive sud du Bras Saint-Nicolas au quatrième rang ouest de Saint-Eugène de L’Islet.

En 1871, quand Ennis vend son entreprise à Louis Kuérouack, meunier de L’Islet, la manufacture à roues est démantelée. De plus, une route construite à partir d’une parcelle de terrain acquise d’Amable Poitras permet aux utili-sateurs, via le 3rang, de traverser le Bras Saint-Nicolas en voiture à cheval par un pont suspendu qui relie les deux rives, au pied de la chute.

Kuérouack reste propriétaire pendant dix ans après quoi il vend à Eusèbe Fournier. Ce dernier reste à la barre jusqu’en 1890, année où Thaddée Jean achète l’entreprise d’Arsène Babin, restaurateur de Québec, qui l’a acquise par vente du Shérif peu de temps avant. Le moulin porte depuis le nom de moulin Thaddée Jean ou le moulin de La Chute à Jean.


À considérer aussi, le moulin à scie de cet ensemble

Louis Kuérouack, en 1881, maintient le droit de possession de moulin à scie à Bénoni Bélanger, tel qu’il le possède par acte reçu le 17 mars 1871 devant Marcotte notaire. En 1885, Bélanger vend à Eusèbe Fournier « tous les droits qu’il peut avoir à bâtir et avoir la propriété d’un moulin à scie construit sur le Bras St-Nicolas près du moulin à farine du présent acquéreur. » Eusèbe Fournier, en 1890, vend à Joseph Désiré Morin, cultivateur de L’Islet, un lopin de terre avec le moulin à scie, avec droit de réméré qui devient nul après deux ans. Après cette date, les transactions sur ce moulin demeurent difficiles à retracer.


Des questions sur le moulin

Nous n’avons pu retrouver non plus ce qu’est devenu le moulin Thaddée Jean après 1915, date possible de son abandon.

En 1901, Thaddée quitte son moulin et en acquiert un autre, le Grand Moulin, moulin à farine à roue hydraulique, appelé aujourd’hui le moulin Salluste Dionne, sis lui aussi sur les rives du Bras Saint-Nicolas, en aval, à deux kilomètres environ de son ancienne propriété. Suite à cet achat, Alphonse reçoit par donation de son père, en 1905, le moulin de la Chute. Par la suite, on le déclare propriétaire de moulin en 1912, lors de l’achat de son terrain au village.

Les événements se bousculent

Thaddée Jean décède en juillet 1912, à 70 ans, Marie Odile Fournier, son épouse, en avril 1914, au même âge. Et pour comble, leur fils François, meunier, qui a reçu de sa mère le Grand Moulin, meurt en juin de la même année, à 29 ans. Les décès surviennent en grappe dans cette famille.

Pour circonscrire les faits, précisons qu’au recensement de 1921, sept ans plus tard, Alphonse Jean vit au village, il est journalier et on n’a plus de traces du moulin de la Chute.

Comment expliquer l’abandon du moulin de la Chute? Une réponse possible serait, selon moi, de rentabiliser l’entreprise, dans le contexte de sa situation géographique éloignée des grandes routes et de sa proximité avec le Grand Moulin.


Ce qu’il en est aujourd’hui, en 2020

Ce n’est qu’en 1967 que nous retrouvons une demande d’enregistrement d’une vente effectuée en 1959, devant le notaire Miville-Deschênes, dans laquelle Onésime Bernier de L’Islet cède à Camille Poitras du même endroit, les terrains désignés. Dans cette vente est intervenu M. Lauréat Thibault, négociant, demeurant à Saint-Eugène (L’Islet), lequel a ratifié ladite vente et cédé à l’acquéreur tous les droits qu’il peut avoir sur les immeubles désignés. L’année suivante, en 1968, Camille Poitras vend à Richard Journault de L’Islet, le terrain du moulin avec le droit de circu-ler sur le chemin privé y conduisant. On ajoute que l’immeuble vendu par les présentes appartient au vendeur pour l’avoir acquis sur une plus grande étendue d’Onésime Bernier.

Le moulin à farine était situé où s’élève aujourd’hui le chalet d’André Gaudreau. Le propriétaire a conservé quelques pierres d’origine dans l’aménagement extérieur.


Thaddée Jean (1842-1912) et sa famille

Les décès rapprochés de Thaddée Jean, de son épouse et de son fils François, semblent avoir affecté la vie des membres de la famille du meunier qui ne compte plus, à compter de 1914, que quatre enfants sur les douze nés du couple Jean-Fournier.

Cette famille a traversé de très lourdes épreuves, à fendre l’âme et le cœur, en perdant leurs êtres chers. D’abord, Er-nestine, en 1879, un an, à Saint-Aubert, ensuite, trois enfants décédés sur une période d’un mois, en 1887, à Saint-Jean-Port-Joli : Honoré, 17 mois, le 15 janvier, Flavie, 4 ½ ans, le 21 janvier et Hermine, 15 ans, le 16 février. Joseph Thaddée, 22 ans, meurt 3 ans plus tard en 1890 au même endroit. Comme si cela n’était pas assez, à Saint-Eugène, on pleure la perte de Malvina, 16 ans, en 1892 et Régina, 7 ans, en 1895. Pour terminer le tout, François, meunier, 29 ans, décède en 1914, tout juste après le décès de ses deux parents. Trois des quatre enfants qui restent, Pierre-Paul, Lydia et Odile pourtant établis ici, vendent leur propriété et quittent le coin de pays dans les années 1920.

Seul Alphonse, le fils aîné, Blanche Couillard, son épouse et leurs sept enfants résident à Saint-Eugène à plus long terme. Cependant, Blanche a vendu sa maison d’ici en 1947 et serait allée rejoindre ses enfants déménagés probablement au Lac St-Jean après le décès de son mari. Une famille dont il ne semble plus rester de descendants ici.

Pour situer le chef de famille dans l’époque, Thaddée Jean est issu de la grande famille des Aubut par sa mère Marie-Marthe marié à François Jean de Saint-Jean-Port-Joli. Par son cran et son savoir-faire, il réussit à relever le moulin de la Chute, à l’opérer pendant dix ans, après quoi, il est à la barre du Grand Moulin pendant onze ans, jusqu’à son décès.

Si quelqu’un avait d’autres informations, elles seraient les bienvenues.


Informations fournies par Marie-Marthe Caron

Alphonse Jean (bras coupé, fils de Thaddée) aurait opéré un atelier de bois en haut du village près de la forge d’Aubert Caron, à l’époque.

Le moulin à scie aurait été défait en 1904 et le bois aurait servi à bâtir la maison d’Alphonse Jean au village.

Alphonse Jean (fils de Thaddée) et Alphonse Jean (Pitou, fils de Jules) auraient habité un en face de l’autre sur la côte du village de Saint-Eugène. Ils auraient aussi été voisins au Bras Saint-Nicolas. Le premier étant le parrain de baptême du second.


Informations fournies par Roger De Ladurantaye, un an avant son décès, survenu en mai 2016.

La Chute à Jean recule d’un centimètre environ par année, dû à l’érosion.


Informations données par Bruno Rodrigue du 2rang de L’Islet qui allait pêcher au Bras Saint-Nicolas avec son père Canut.

Il se souvient d’avoir vu les ruines du moulin en 1938 environ, quand il était enfant.


Informations fournies par Simone Bernier, fille d’Onésime Bernier et d’Adéline Bernier, anciens propriétaires du terrain.


Les chevaux avaient une peur bleue de traverser le pont suspendu pour aller au moulin, car pour traverser le Bras Saint-Nicolas, on avait construit un pont suspendu au-dessus de la rivière, en bas de la chute. La famille de Simone allait cueillir des pommes sauvages, de très bons fruits, à chaque automne, sur le terrain près du moulin pour faire sa compote de l’année. La famille traversait la rivière avec une chaloupe suspendue à un fil jusqu’à ce le système ingénieux soit vandalisé par des jeunes. (voir photo)



Chaloupe suspendue à un fil pour faire traverser le Bras Saint-Nicolas par la famille. C’est la chaloupe que mon père Onésime Bernier avait construite pour aller cueillir nos « pommes du Bras ». Cette photo est prise en 1946 au Bras Saint-Nicolas. À gauche : mon père Onésime Bernier, ma sœur Lucille, ma sœur Janine, moi-même Simone Bernier et ma cousine Claudette. En arrière un ami de la famille. Photo : Collection Simone Bernier.


Pierres du moulin assemblées dans un élément décoratif. Photo : Collection JA Bélanger.


Vue arrière du chalet et escarpement du bord de la rivière, fortifié par des pierres originales du moulin trouvées sur les lieux. Photo : Collection JA Bélanger.


Jeanne-Aimée Bélanger

Sources :

PC Fournier, NP, 1854, 1856, 1885; GA Verreau, NP, 1859; JB Hébert, NP, 1864; C Marcotte, NP, 1871, 1881; C Leclerc, NP, 1890, 1901, 1905; Lépine Sh 1890 ; H Boisvert, NP, 1912, 1915; EM. Deschênes, NP, 1967; G Verrreau, NP, 1968; JAP Jean, NP, 1924; N Bernier, NP, 1947.

Régistres paroissiaux Saint-Aubert, Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Eugène.

Recensement Canada Saint-Eugène, Saint-Aubert.

BMS Saint-Aubert, Sylvain Lord, 2006.

Sources orales :

Merci à Marie-Marthe Caron, Roger De la Durantaye, Bruno Rodrigue, Simone Bernier et André Gaudreau.




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