La petite histoire de L'Islet
par Guylaine Hudon le 2020-02-12
Un baron s’installe à L’Islet
(2e partie)
Le baron Tunique
J’ai terminé la première partie de cette histoire sur une note un peu dure au sujet du Baron Koenig , mais je n’ai pas été le plus méprisant à son sujet. Dans Les Chroniques Canadiennes de 1834, on le décrit comme : ignorant, insouciant, aussi humble dans son apparence que le dernier des paysans. Mais je doute fort de la crédibilité de l’auteur de ces lignes car elles ont été écrites en 1834 et il écrit aussi : cet homme est aujourd’hui dans une prison américaine alors qu’en fait il décèdera en 1833 à L’Islet, âgé de 79 ans.
Son crime aurait été d’avoir volé un pain et quelques livres de lard à un voisin alors qu’il résidait à St-Jean-Port-Joly. Écoutons-le raconter l’histoire : Par une nuit à 30 degrés sous zéro, alors qu’il n’avait ni vivre, ni bois de chauffage, ses enfants à demi vêtus et grelottants lui demandaient du pain… on se rend compte assez rapidement que l’auteur avait une plus forte propension au mélodrame qu’à la crédibilité. D’autant plus d’invraisemblances lorsqu’il réfère ces événements à la disette qui toucha également Kamouraska et Rimousky, soit celle de 1824 (l’année sans été), alors qu’à cette époque le Baron résidait à L’Islet depuis une bonne quinzaine d’années. Fait amusant par contre dans ce récit, on raconte que le Baron se faisait appeler Baron Tunique déformation paysanne de Koenig qui se disait koenik.
Ce que je crois en toute humilité, c’est que le baron a peut-être été victime des circonstances, bien qu’il essayait de saisir les opportunités qui se présentaient à lui, le destin apparemment ne lui était pas souvent favorable. Sa descendance ne tardera pas à démontrer qu’elle a hérité de bons gênes. Avec la proximité du collège de L’Islet, plusieurs deviendront marins, capitaines, pilotes du Saint-Laurent ainsi qu’ingénieur, télégraphiste, etc.
On retrace plus facilement deux branches à L’Islet, soit celle d’Arthur Koenig et de Charles Koenig, deux frères, fils de Charles-Frédéric et de Sophie Lemieux, petits-fils de Frédéric Koenig et de Marie Fongemy et arrière-petits-fils du baron Edmond-Victor Koenig.
Commençons avec Charles car son histoire est particulière. Il commença sa carrière de marin à quinze ans à bord de la goélette Belvina. Quelques années plus tard, il était commandant de vaisseau et devint l’un des plus habiles capitaines au long cours. Riche de près d’un demi-siècle d’expérience au service de la marine du gouvernement canadien, c’est d’ailleurs lui qui ramena au pays le Druid, le Montcalm et le Lady Grey qui avaient été construits outre-mer et dont il avait personnellement fait les plans.
Le 15 novembre 1871, il se marie à Caroline Fortin à L’Islet. Le couple n’aura qu’un seul enfant, car Caroline ne survivra pas à son premier accouchement alors qu’elle accompagnait son mari en mer. Je suppose qu’elle est inhumée à Astoria, Orégon sur la côte ouest américaine car sur sa pierre tombale au cimetière de L’Islet on peut lire : À la mémoire de Caroline Fortin décédée à Astoria Or. L’enfant survivra et sera nommé Pacifique, comme l’océan où il était né. Pacifique Koenig étudiera au collège de L’Islet et sera télégraphiste. La maison où il habita avec son épouse Corona Ménard est à l’entrée est du village (au 390, chemin des Pionniers est) juste en face du monument de la tempérance. Il l’a héritée de son père, qui, comme lui, l’avait héritée de son père (Frédéric) qui lui l’avait achetée au père du capitaine Joseph-Elzéar Bernier, Thomas Bernier.
Pour revenir à Charles, père de Pacifique, il se remariera à Léda Fortin, demi-sœur de Caroline et ils auront quatre enfants, qui se marieront aussi à L’Islet. Charles Koenig était aux commandes du Druid, navire qui était conçu et dédié à porter secours aux navires en difficulté sur le fleuve Saint-Laurent. Le 3 décembre 1901, il vint au secours des deux gardiens du phare de Brandy Pot qui revenaient sur la terre ferme, sur la rive de Rivière-du-Loup pour la saison hivernale. Les malheureux sont partis à la dérive car les glaces empêchaient leur petite embarcation de s’approcher de la rive. Ils aboutirent sur l’île du phare du Pellerin qui était, lui, déjà fermé pour l’hiver. Toute la communication se fit par signaux, du phare à la rive, pour informer de leur situation. Ensuite on envoya une dépêche par télégramme au Capitaine Charles Koenig qui lui, monta dans le premier train en direction de Saint-André de Kamouraska, en réquisitionnant au passage une chaloupe et une dizaine d’hommes à Saint-Jean-Port-Joli, pour porter secours aux gardiens de phare. En novembre 1906, les journaux racontent qu’il se porta au secours du Kensington, échoué sur un haut-fonds vis-à-vis Matane et fortement endommagé. Désolé je ne parle pas des gens de l’équipage mais le journal non plus.
En 1893, le capitaine, associé à un certain M. M. Leclerc, se lanca dans une révolutionnaire industrie de vêtements pour les marins. Ces vêtements étaient fabriqués de toile huilée à L’Islet même, dans une grosse maison de 3 étages, au bout de la rue Fournier, au sud de la route du quai. La maison existe toujours mais a été rabaissée d’un étage. La charpente retirée aurait apparemment servi à construire une autre maison plus au nord au début de la rue mais cette fois avec un toit mansarde. À l’œil, on peut effectivement observer une similitude au niveau des carrés de maison.
Manufacture de vêtements de marins, au bout de la rue Fournier, au sud de la route du quai. Photo tirée du livre d’Angèle Gagnon, Village de nos ancêtres.
En 1908, il y a eu une commission royale chargée de faire enquête sur des faveurs reçues par plusieurs membres et personnalités du monde maritime; la liste est longue et le capitaine Koenig n’y échappe pas. Cependant, les faits reprochés ne pouvant être prouvés, il évite la suspension de son poste au gouvernement.
Le capitaine Charles Koenig décèdera la nuit du 13 octobre 1928 à son domicile sur la rue d’Artigny dans le vieux Québec à l’âge de 79 ans. Il fut enterré à L’Islet. Sa pierre tombale est simple mais pittoresque avec sa petite inclinaison vers l’avant. On y retrouve les noms de ses deux épouses et de deux de ses enfants décédés en bas âge qu’il aurait eu avec Léda.
J’ai hâte de vous raconter la troisième et dernière partie de l’histoire des Koenig!
La pierre tombale du Capitaine Charles Koenig, au cimetière de L’Islet, est simple mais pittoresque avec sa petite inclinaison vers l’avant. On y retrouve les noms de ses deux épouses et de deux de ses enfants décédés en bas âge qu’il aurait eu avec Léda. Photo : Jérôme Pelletier.
Sources :
· Les internets
· BanQ
· L’Islet village de nos ancêtres par Angèle Gagnon
Merci à Sylvie Isabelle pour l’aide à la recherche.
Jérôme Pelletier
jerox2007@hotmail.com