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Chapitre 3 - Ma rencontre avec Irma Dijon
par Guylaine Hudon le 2020-01-17

Ce texte est une fiction.

Bien assis au côté de Dame Dijon sur la chaise porteuse, nous partîmes lentement en direction de l'océan longeâmes une presqu'île en retrait au délicieux nom de La silencieuse.

Pendant le trajet vers La silencieuse, elle me parla de ses parents bien-aimés toujours présents à sa mémoire de 117 ans. Je n'avais rien demandé, je n'avais pas posé une seule question. Mais j'étais tout ouïe, son récit m’intéressa immédiatement.

Je suis née sur le bord du fleuve Saint-Laurent au Canada-Français, le 20 juin 1960. Ma mère était professeure de littérature américaine à l'Université d'Aix-en-Provence, dans le sud de la France et mon père, professeur de littérature française et européenne à l'Université de Berkeley, en Californie. Ils se sont croisés à Londres en 1958 où se déroulait un forum international de littérature comparée.

Ma mère m'a raconté qu'elle a vu ce beau grand jeune homme tout bronzé avec ses grands yeux verts et ses cheveux bouclés blondis par le soleil californien et l'eau salée de l'océan pacifique. Peut-être un adepte du surf, se dit-elle alors. Au moment de choisir une table pour souper après une première journée de colloque et un décalage horaire dans le corps, une main douce me touche le coude et j'entends une voix avec un bel accent américain me demander si je pouvais me joindre à elle à cette table. Ma mère un peu surprise n'a pas pu résister à ce sourire espiègle.

Ma mère avait un champ d'études assez vaste. La littérature américaine incluait les littératures canadienne, étasunienne et mexicaine, celles des pays de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, ainsi que les littératures autochtones transcrites. Ma mère était polyglotte : français, anglais, espagnol, portugais et des notions de base de plusieurs dialectes en autant qu'ils soient écrits. Pour m'endormir, elle me contait des histoires dans toutes ces langues. Je ronronnais comme un chat en écoutant sa belle voix qui chantait en harmonie en passant d'une sonorité à l'autre.

Ma mère savait donc que le Canada possédait trois littératures principales : l'une autochtone méconnue, une autre anglo-saxonne et enfin la francophone. Par curiosité, elle accepta une charge de cours temporaire à l'Université Laval de la Ville de Québec au Canada-Français (appellation historique avant celle de Province de Québec et Québec après leur révolution tranquille).

Ma mère naturellement curieuse a vécu six mois dans ce pays nordique aux accents latins. De septembre 1955 à mai 1956, elle tenta de s'imprégner de cette littérature et peu connue dans les cercles universitaires de l'époque. Elle avait le temps de lire et de voyager dans ce vaste pays. Oui, elle avait du temps car elle avait accepté d'offrir des séminaires intensifs au lieu de cours magistraux formels.

Après cette escapade littéraire en sol américain, elle retourna à Aix-en-Provence pour poursuivre son enseignement et ses recherches.

Pendant le premier tête-à-tête avec celui qui serait mon père, ils échangèrent sur le mode coq-à-l'âne, un peu gênés mais agréablement à l'aise. La romance se poursuivit pendant les mois qui suivirent jusqu'au moment où il fallu choisir entre la France ou la Californie.

Guy Laprise

(la suite dans le prochain numéro de votre journal)



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