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La petite histoire de L'Islet
par Guylaine Hudon le 2019-04-10

Les Verreau

Lorsque l'on mentionne le nom Verreau, Saint-Jean-Port-Joli nous vient tout de suite à l'esprit; mais ce ne sera pas le cas pour cette fois. Au début de l’été dernier, alors que je pratiquais mon violon d’Ingres dans le cimetière de L’Islet (la chasse aux informations sur l’histoire locale), je fus attiré par cette épitaphe gisant dans le lot de pierres tombales retirées et mises en marge du cimetière. J’ai pu y lire et non sans mal Germain-Alexandre Verreau 1788-1805. J’avais été marqué d’abord par l’ancienneté du monument, car c’est sans doute le plus ancien qu’il m’ait été donné de voir depuis que j’arpente les cimetières, mais aussi par la prestance du monument pour l’époque, et surtout pour un jeune homme de 17 ans! Je m’étais alors dit qu’il devait s’agir du fils d’un noble personnage.

Depuis ce détail me turlupinait, alors j’ai décidé de pousser la recherche pour finalement me rendre compte qu’il s’agissait d’un jeune homme de 77 ans! Car j’avais confondu le "6" pour un "0" ce qui donne 1865 et non 1805!

Germain-Alexandre Verreau était : écuyer, lieutenant, juge de paix, colonel de milice et l’un des plus anciens notaires des districts de Montmagny, Québec et Kamouraska selon la chronique funéraire du Journal de Québec du 2 janvier 1866. Aussi dans Le Canadien du lundi 17 mai 1847, on peut retrouver ce passage : Il a plu à son excellence le gouverneur général, de faire les nominations suivantes dans la milice de la province du Canada. À savoir : Régiment de L’Islet 3e bataillon pour être major, Germain-Alexandre Verreau, pour être chapelin, le révérend F.X. Delage… et aussi pour être lieutenant-colonel, nul autre que Louis-Olivier Gamache, le fameux sorcier d’Anticosti.

Natif de Saint-Jean-Port-Joli, il était le fils de François Verreau et de Josephte Sylvain. Il se marie à Ursule Fournier le 27 février 1821 à Saint-Jean-Port-Joli et le couple s’installe à L’Islet pour fonder une famille. Le couple aura quatre enfants : Eléonore, Justine, Germain-Elzéar et (tenez-vous bien) Hospice-Anthelme. Nous détenons peu d’informations sur eux sinon qu’Éléonore sera enseignante et se mariera à Louis-Zéphirin Duval de Saint-Jean, lui-même notaire et fils de d’Émérentienne Chapais, la sœur de Jean-Charles Chapais, un des pères de la Confédération. Ils sont les parents de Salluste Duval, un autre dont il vaudrait la peine de souligner le parcours un bon jour. ("Googlez" ce nom si vous êtes d'une nature curieuse.)


Hospice-Anthelme Verreau, jeune. Photo : Google Image.


Mais c’est Hospice-Anthelme qui connaîtra de loin la plus grande renommée, notamment en enseignement. Issu d’un milieu cultivé, c’est son père qui lui enseignera le français, le calcul, les grandes lignes de l’histoire nationale ainsi que le catéchisme, car à cette époque, les gens étaient pour la plupart de fervents chrétiens. Puis ce fut pour lui le passage sur les bancs du Séminaire de Québec. La philosophie qu’on lui enseigne dans son cours classique, éveilla chez-lui un appel au sacerdoce et il fut ordonné prêtre le 3 août 1851, à l’âge de 23 ans. Puis, il devient enseignant au Séminaire Sainte-Thérèse en banlieue de Montréal où il enseignera la rhétorique, qui est l’art de la communication et de l’élocution de manière ordonnée et efficace. Deux ans plus tard, il sera nommé directeur des études. En mars 1857, L’École normale Jacques Cartier à Montréal ouvre ses portes et le maître d’école y enseignera : la religion, la philosophie, la pédagogie, la science physique, l’histoire et le dessin. Ce qui vous donne une petite idée du niveau de connaissances et de la polyvalence de ce fils de L’Islet.

Selon les sources, on le dépeint aussi comme administrateur scolaire, polémiste, archiviste et auteur. En effet, ses qualités de chercheur et d’historien lui valent d’être désigné par le gouvernement canadien afin de s’enquérir des informations relatives à l’histoire du Canada dans les archives européennes, notamment à Londres, à Paris et à Rome. Au terme de ce voyage, paraîtra un ouvrage de 63 pages s’intitulant Rapport sur les résultats de la recherche des documents relatifs au Canada en Europe; il est alors considéré par plusieurs comme le père des Archives nationales du Canada.


Hospice-Anthelme Verreau, âgé. Photo : Google Image.


Hospice-Anthelme adorait son village natal et venait toujours y passer ses vacances d’étudiant et par la suite, de professeur. Dans les archives du Séminaire de Québec, on peut retrouver un passage de son journal de voyage en Europe, sous forme de lettre à ses sœurs alors qu’il quittait le quai en bateau : L’Islet, saluts réciproques, ce n’est pas sans un sentiment de tristesse que je jette un dernier regard sur les peupliers qui me cachent la maison… Il décédera le 15 mai 1901, à l’âge de 72 ans huit mois et deux jours. Dans le testament qu’il avait rédigé avant son voyage en Europe en 1873, on peut y lire : Je désire qu'on me fasse une sépulture très simple et qu'on m'enterre, si la chose est possible, à côté de mon père dans le cimetière de L'Islet. Il sera finalement enterré sous le choeur de l'église avec les anciens prêtres de L'Islet, entre autres : Jacques Hingan, Pierre Bourget et Jacques Panet. Hospice-Anthelme n’avait négligé personne dans ses legs grâce à ses collections de livres et ses portraits à l'huile de Moncalm et de Wolfe qu’il échangea au séminaire contre une pension pour ses proches.


Monument du notaire Germain-Alexandre Verreau. Photo : Jérôme Pelletier.


Quel dommage que notre histoire locale s’efface tranquillement! Quitte à passer pour un donneur de leçons, j’ai envie de dire que, à L’Islet, notre route principale se nomme : Chemin des Pionniers (avec un ‘’P’’ majuscule, s.v.p.) mais que faisons-nous des bâtisseurs de notre patrimoine? La plus élémentaire des marques de respect pour nos prédécesseurs serait sans doute de laisser leurs pierres tombales à leurs places, auprès de leurs sépultures.

Jérôme Pelletier

Sources : BAnQ



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