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La petite histoire du haut de la paroisse
par Guylaine Hudon le 2018-05-29

La Villa de l’Espinay

À 46 ans et ayant grandi dans le haut de la paroisse, ce n’est que tout récemment que j’ai appris l’existence de la Villa de l’Espinay. C’était la résidence d’été de Mme Adine Fafard, mieux connue sous le nom de madame Adine Fafard-Drolet ainsi que celle de son amie Mlle Marie Angers, une dame de la haute de Québec. Cette villa était constituée de trois parties dont la première (la seule partie encore existante) est la maison actuelle de Mme Huguette Isabelle, au 298, chemin des Pionniers Ouest qui, à l’époque, était vraiment collée sur le chemin, (on pouvait lui toucher en passant à pied au bord de la route selon les dires de M. Philippe Couillard). Une seconde partie rectangulaire, parallèle à la première mais plus longue, environ 20 pieds au sud de la première était appelée « l’école » et d’une troisième partie étroite et longue qui reliait les deux bâtiments dans le sens nord-sud.

Une barrière bloquait l’accès à une entrée de petites pierres blanches du côté ouest de la propriété. Cette allée menait à une balançoire et donnait accès à un grand jardin de fleurs de toute beauté à ce que m’a raconté M. Couillard. Celui-ci depuis son tout jeune âge et pendant quelques années, travaillait à l’entretien des plates-bandes et à divers menus travaux. Le jardin s’étalait sur tout le côté ouest de la villa et des vignes voilaient la galerie où Mme Adine Fafard-Drolet passait de longues soirées à dire son chapelet et à prier des saints que M. Couillard était souvent surpris d’apprendre l’existence : Sainte-Roche, Sainte-Bebitte, etc. et lui, répondait ‘’Amen’’ en travaillant au jardin. Du côté ouest de l’entrée se tenait un verger comprenant divers arbres fruitiers tels que : pommetiers, pruniers, cerisiers et même poiriers.

Cette Mme Fafard-Drolet, native de L’Islet, était une chanteuse d’opéra qui a débuté une carrière assez remarquable en France. De retour au Québec en 1911, elle a fondé le premier conservatoire de musique de Québec. Pour ce faire, elle a même dû refuser le rôle de Dulcinée, rôle féminin principal de l’opéra Don Quichotte qui lui avait été offert par son compositeur lui-même : Jules Massenet à Lyon en 1909. On apprend d’ailleurs par Wikipedia qu’elle chanta aussi pour le roi d’Espagne au cours de son séjour de deux ans en France.

C’était la grand-tante de Fernande, Georges, Maurice et Pierre Fafard et la fille de Louis-Auguste Fafard cultivateur de L’Islet. Celui-ci est décédé tragiquement, happé par un train à la traverse de Lévis, le 1er mars 1897 alors qu’il allait reconduire Adine chez son professeur de chant à Québec. Cette dernière avait sauté in extremis de la voiture (et là, on parle de voiture à cheval) avant que l’engin ne les frappe.

Mme Fafard-Drolet et Mlle Marie Angers passaient l’été dans cette villa et y recevaient des personnages de marque : Mlle Angers dans la partie au nord près de la route et Mme Fafard-Drolet dans la partie centrale. Il y avait aussi sur le terrain une boutique qui a été déménagée et est actuellement sur la propriété sise au numéro civique 227, chemin des Pionniers Ouest. Il y avait aussi derrière cette boutique un petit kiosque à vénitiennes où Mme Fafard pratiquait son chant et quand elle avait fini, elle ouvrait les vénitiennes et les oiseaux étaient libres d’y entrer. Mme Angers possédait aussi un puits dans le champ du côté nord de la route, en bas de la côte auquel elle reconnaissait des vertus miraculeuses. M. Georges Cloutier son voisin, savait lui, la recette de cette eau, c’est qu’elle lui avait fait jeter un baril de clous et diverses ferrailles. Elle avait même installé une pancarte aux abords de la propriété qui certifiait la qualité de son eau même si on pouvait y retrouver une couleuvre de temps à autre. M. Couillard avait aussi comme tâche d’aller y emplir une grosse cruche de verre, aux deux jours, et Mlle Angers lui donnait 25 cents. Neuf jours de jeûne en buvant cette eau éclaircissait le blanc des yeux, disait-elle.

L’hiver, il n’était pas rare que les gens du coin manquaient d’eau, alors plusieurs allaient y puiser l’eau à la tonne pour eux et les animaux de la ferme et ce puits était semble-il intarissable. Mais un malcommode du secteur, voyant cela, écrivait des lettres à Mme Fafard-Drolet qui était à Québec pour l’hiver et l’informait de la situation. Celle-ci adressait des lettres d’avocat aux contrevenant, lettres qui n’avaient aucun effet apparemment.

Mme Fafard-Drolet et Mlle Angers avaient aussi fait construire une petite chapelle au nord du chemin un peu plus à l’ouest de sa villa où se situe aujourd’hui une maison au 301, chemin des Pionniers Ouest. Cette chapelle servait à y faire ses dévotions notamment durant le mois de Marie. Elle y réunissait les gens du coin, qui après le chapelet, avaient droit à toute une suite de litanies interminables selon des témoins de l’époque. Cette chapelle a été déménagée en 1952 et se trouve actuellement au lac Trois-Saumons car elle a été donnée à l’abbé Raoul Cloutier, le fondateur du camp- école du lac Trois-Saumons.

Et si on remonte encore plus loin dans la petite histoire du haut de la paroisse, on découvre que la maison actuelle de Mme Huguette Isabelle était à l’origine, du côté ouest de la route Cendrée-Lafeuille, juste au nord de l’actuel site d’enfouissement et anciennement propriété de M. Pierre Lavoie, l’arrière-grand-père de Madame Isabelle. Elle a apparemment été déménagée à travers les champs, sur des billots, pour la rendre à son adresse actuelle. Aussi, au sujet de la partie arrière appelée ‘’l’école’’, je ne peux l’affirmer mais tout porte à croire qu’il s’agirait de l’ancienne école qui était située juste en face de chez M. Lucien Fortin, à environ quatre cent pieds à l’est, car elle avait été achetée par Mme Angers vers 1921, suite à la construction d’une nouvelle, située sur le terrain voisin de leur propriété.

Le nom de l’Espinay, provient du nom de la mère de Adine : Luce-Alphonsine Couillard-de l’Espinay-Dupuis. Mme Fafard-Drolet décèdera le 31 janvier 1963, à Lac Etchemin, à l’âge de 86 ans. Une rue porte son nom dans le quartier Lebourgneuf, à Québec.

La Villa a par la suite été achetée par M. Georges Fortin, propriétaire de la boulangerie de L’Isletville. Ils y ont organisé quelques réceptions de noces, sûrement pour le décor enchanteresse du site. Ensuite par M. Léo Pelletier, qui démolit les parties arrières pour ne garder que la partie avant et ensuite la reculer à son emplacement actuel. C’est aussi lui qui bâtit le garage à l’endroit où se situait le verger, et qui abrite aujourd’hui l’entreprise connue sous le nom de Les palettes L’Islet.

Jérôme Pelletier

Sources :

  • M. Philippe Couillard

  • Mme Rachel Pelletier

  • Mme Huguette Isabelle

  • Wikipedia

  • BAnQ

Mlle Angers à la Villa de l’Espinay à L’Islet pour la saison d’été. Photo fournie par Rachelle Pelletier.


La chapelle Sainte-Anne de Bonsecours, à L’Islet. Photo fournie par Rachelle Pelletier.